LA FEMME AFRICAINE DANS LA SCIENCE ET LA RECHERCHE DU FUTUR

Prof. Francine NTOUMI

  • Fondation Congolaise pour la Recherche Médicale, Brazzaville, République du Congo.
  • Institut de Médecine Tropicale, Université de Tübingen, Allemagne.

Encore sous-représentée dans les disciplines scientifiques à l’université et évidemment dans les carrières scientifiques (environ 30%), les femmes africaines ont un long chemin à parcourir pour que l’on parle de parité ou d’égalité avec l’autre sexe. Peut-on imaginer que la marginalisation de la moitié de la population peut contribuer à relever le défi du développement de notre continent ?

La science est l’ensemble des connaissances qui se basent sur des études vérifiables et reproductibles. Tous les pays ont besoin d’une recherche scientifique qui leur permette non seulement de connaître le milieu environnant et en déduire les forces et les faiblesses, mais aussi d’apprendre à valoriser l’existant et même créer ou innover. Est-il acceptable que le continent soit un consommateur de science et pas un producteur de cette science universelle ?

La contribution scientifique de l’Afrique est d’environ 2 à 3%.

Selon l’UNESCO, la Tunisie compte un grand nombre de femmes chercheurs (55%) contre 5% pour la Guinée. Quelle grande disparité sur notre continent ? Mon pays, le Congo-Brazzaville aurait 13% de femmes chercheures.

Je ne considère pas que la recherche menée dans les pays en développement soit du luxe, c’est tout simplement une nécessité cependant elle doit absolument et résolument être adaptée aux besoins de la population.

Les femmes sont les championnes dans la transformation des produits agricoles mais quelle pénibilité dans le travail !! Il est donc nécessaire qu’il y ait des femmes ingénieures, agronomes, entomologistes, généticiennes, etc. sur toute la chaine de la transformation car elles en mesurent d’autant la nécessité.

Je suis une femme scientifique et je veux pouvoir apporter ma contribution efficace à cet effort. Dans mon domaine, la recherche médicale, il y a aussi beaucoup à faire pour comprendre et étudier toutes les maladies émergentes et ré-émergentes qui sévissent sur le continent. La pandémie à COVID-19 a bien montré que les ressources humaines dédiées à la recherche sont extrêmement limitées et les publications des scientifiques africains sur la COVID-19 représentent à peine 5% des l’ensemble des publications mondiales sur le sujet.

Je suis biologiste moléculaire spécialiste des maladies infectieuses et j’ai passé plus de 25 ans de ma vie à travailler sur le paludisme. J’ai été dans l’obligation de créer le premier laboratoire de biologie moléculaire de la seule université publique de mon pays car autrement je n’avais pas de scène de travail. A aucun moment je ne me suis dit que le fait d’être une femme était un obstacle et j’ai foncé et j’ai atteint ce but et plus encore puisque beaucoup d’étudiants congolais sont formés dans ce laboratoire.

Alors en 2022, il faut que la femme africaine ose là ou même l’homme africain n’a pas osé. Qu’elle ne se compare pas à lui mais qu’elle se voit elle comme unique car elle est unique.

Il est vrai que les financements sont le nerf de la guerre pour conduire une recherche de qualité . Il est donc temps que nos gouvernants prennent la mesure du besoin et rendent les carrières scientifiques attractives pour tous et toutes.

Mais évidemment, l’efficacité de la recherche conduite localement ne se réduit pas au montant des crédits : Une bonne gestion des ressources humaines disponibles et l’utilisation appropriée de l’aide étrangère sont des conditions tout aussi importantes.

A Propos adminacatharsis

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